À travers les yeux d’une proche aidante…
Portrait d'ici
Texte : Francine Morissette
Diane est une proche aidante depuis toujours, mais officiellement depuis que sa mère âgée de 72 ans et elles décidèrent d’habiter dans un même duplex acheté ensemble, où chacune avait son appartement. Voici l’essentiel de l’entrevue qu’elle a si gentiment consenti à nous accorder afin de nous aider à mieux comprendre sa réalité et son quotidien.
Comment se passait votre quotidien?
Déjà très jeune, je fus la confidente de ma mère et nous accomplissions ensemble beaucoup d’activités quotidiennes. Donc le choix ne fut pas très difficile de continuer la fonction de proche aidante pour la sécurité et le bien-être de ma mère quand la maladie d’Alzheimer est apparue. Au début sont apparus quelques symptômes, mais par la suite la maladie a fait son chemin et les besoins se firent de plus en plus présents, demandant une présence et des interventions.
Suite à une fracture du fémur, ma mère, après hospitalisation, est restée quand même assez autonome avec les soins du CLSC, avec les bains et les prises de sang qui se faisaient à la maison. Après avoir constaté la difficulté pour ma mère à prendre sa médication dans l’ordre, j’ai pris en charge de la lui donner…
Quand avez-vous décidé de placer votre mère?
« Je travaillais et m’occupais de ma mère et je retardais son placement, sans me rendre compte qu’elle vivait beaucoup de solitude, seule toute la journée à la maison. Je croyais qu’elle était heureuse et c’est ce que je désirais, la rendre heureuse. Mais je vivais beaucoup d’insécurité et l’épuisement m’a rejoint. Alors il a été question de placement. Cela n’a pas été dur pour elle, c’était comme sortir de chez elle en visite. Cela a été dur pour moi. C’est à ce moment que j’ai demandé de l’aide pour moi auprès de l’organisme l’APPAD. Avant, je n’avais pas d’autres ressources. Ma première rencontre avec l’APPAD a eu lieu à domicile chez ma mère après qu’elle se soit fracturé le fémur. À partir de là je me suis aperçue que j’étais en petits morceaux.
Après un premier placement dans une RPA (Résidence pour aînés) et suite à une nouvelle fracture à la cheville, son handicap de se déplacer en chaise roulante a rendu nécessaire son déménagement au Centre d'hébergement Frederick-George-Heriot.
Aviez-vous de l’aide de la famille?
Concernant l’aide de ma famille, cela me dérangeait à l’occasion que mon frère et ma sœur s’en mêlent, même s’ils me faisaient confiance dans la gestion des finances et des actions faites pour le meilleur pour notre mère. Je préférais m’organiser seule. Mais quand il a été question de placer ma mère, ils étaient d’avis qu’elle aurait dû être placée depuis longtemps. Mais moi, je ne le voyais pas comme ça. C’était un coup à donner, mais aujourd’hui, ma mère placée, je me sens moins sollicité, c’est le jour et la nuit.
Comment vivez-vous suite au placement de votre mère?
Je tourne en rond quelquefois. Maman est toujours là. Nous nous occupons de ses lavages et nous sommes encore disponibles pour veiller à son bien-être. Mais cela nous a allégés beaucoup, surtout moi. Dans tout ce que cela demandait d’être aidant, le plus difficile était la bonne entente entre nous. Je souhaitais l’harmonie. Mais apparemment l’harmonie totale n’existe pas et notre relation familiale ne pouvait changer du jour au lendemain avec le passé que nous avions eu dans une famille toxique et l’influence qu’ont eu sur nous les épreuves de ma mère. Il aurait fallu qu’elle consulte, qu’elle se fasse aider dans sa dépression après le départ de mon père.
Aujourd’hui, après quatre ans d’aide et de suivi, je peux voir ma progression dans un mieux-être avec moi-même, même si ma mère est placée, je profite encore des rencontres de groupe « Coudes à Coudes » offertes par l’APPAD. Je peux profiter de leur accompagnement et même jusqu’au deuil.
Tous ces changements se sont très bien déroulés, aidée d’une travailleuse sociale qui était présente pour nous guider dans nos choix et décisions, toujours pour le mieux-être de ma mère. Je ne regrette rien, malgré les descentes de moral qui m’arrivaient quand nos échanges se faisaient durs et que la relation était difficile.
Quelle a été votre plus grande difficulté?
Ce qui a été difficile pour moi : Désirer apporter du bonheur et constater mon échec à y parvenir. S’entendre dans la relation, sans rejeter l’autre. J’ai souvent eu des déceptions même au point de me remettre en question. Aller chercher de l’aide, cela prend du courage et de l’humilité, mais après c’est tellement plus facile. Nous sommes tellement bien accueillis.
Accepteriez-vous d’avoir l’aide d’un proche aidant pour vous-même, au besoin ?
J’accepterais l’aide. Il faut que mon vécu me serve d’expérience. Aujourd’hui je sais que d’avoir placé maman la rend heureuse. Je désirais et pensais pouvoir la rendre heureuse, mais l’APPAD m’a aidé à accepter que le bonheur de l’autre ne m’appartient pas. C’est l’inquiétude qui m’a fait décider avec les conseils de ma famille de placer maman. Peut-être que si elle n’avait pas eu de fracture, elle serait encore chez elle, mais rien n’arrive pour rien.
Que retirez-vous de ces expériences?
Ce que cela m’a appris : Une journée à la fois, demain cela peut changer. Prendre les évènements un par un, cela aide en moment de crise.
Quels conseils donneriez-vous à un proche aidant?
Le conseil que je pourrais donner à un proche aidant, même au début, c’est d’aller chercher de l’aide car on ne peut faire cela seul. Il faut réaliser que d’autres vivent la même situation. Le groupe nous aide. On a besoin d’être orienté. Voir la détresse des autres nous ramène à ce que nous vivons et nous fait réaliser que nous ne sommes pas seuls. Cela donne du courage.
Et maintenant ?
Je vois ma mère heureuse aujourd’hui, souriante quand nous allons la visiter, la maladie a du bon pour elle. Elle lui a permis d’oublier son passé difficile et de profiter de chaque journée pleinement. Il y a eu des bouleversements et des changements, mais on apprend tellement de ces expériences.
Pour en entendre davantage sur le vécu des proches aidants : visitez le site APPUI.
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